David Cronenberg, apôtre de la nouvelle chair, adepte de l'horreur physique et psychologique... par ordre chronologique

mise à jour le 28 novembre 2018

STEREO - David Cronenberg, 1969, Canada

The Canadian Academy for Erotic Inquiry: A helicopter lands near the concrete and glass structure. A young man wearing a black cape gets out and wanders around the grounds and cubicles for the next hour engaging in mysterious interactive psycho-sexual experiments developed by the cracked visionary Dr. Stringfellow. "The proper use of use psychic aphrodisiacs such as those being develped by Stringfellow... is not to increase sexual potency or fertility but to demolish the walls of psychological restraint and social inhibiton," the annoying narrator tells us at one point. Of course, the point is that THEY CAME FROM WITHIN, RABID, THE BROOD, SCANNERS, DEAD RINGERS, NAKED LUNCH and VIDEODROME would follow and continue to break down walls. But this is where is at started in the late 1960s, in black and white with no direct sound, just a droning narrator over stark black and white images of strange people twitching in mad rooms.

If you're looking for plot, character, action, blood, sex, etc, forget it! What you get is a droll overture for the New Age which was to follow in the 1970s. Cronenberg satirizes film conventions and our expectations of the film experience as he also somehow anticipates the style and substance of A CLOCKWORK ORANGE. Depending on your mood you'll find this either fascinating or unbearably pretentious. This can be found along with Cronenberg's other, equally odd, early short CRIMES OF THE FUTURE (1970) on the BLUE UNDERGROUND SE DVD of his 1979 drag racing feature FAST COMPANY, which also features many pertinent extras. Robert Monell

SHIVERS - David Cronenberg, 1974, Canada 

J'ai tendance à préférer les premiers Cronenberg aux films que le cinéaste canadien nous sert depuis quelques années. Pas qu'ExistenZ ou Crash n'aient aucun attrait, mais le propos qu'y tient ce réalisateur se retrouvait déjà dans ses premiers films, souvent animés d'une ferveur et d'un dynamisme éloquent. Déjà, dans SHIVERS, on entend cette réplique : " He tells me that even old flesh is erotic flesh, that disease is the love of two alien kinds of creatures for each other, that even dying is an act of eroticism. "

Premier film de Cronenberg, SHIVERS fut réalisé grâce à l'apport de la firme Cinépix, les " Eurociné " québécois à qui on doit beaucoup de séries B de l'époque. Désireux de percer le marché américain, les dirigeants de Cinépix Link et Dunning donnèrent donc sa chance à Cronenberg, en exigeant qu'il se restreigne à 17 jours (raccords inclus) pour mettre son scénario en images.

Défi relevé, malgré le fait que Cronenberg connaissait très peu les rouages du milieu et n'avait jamais dirigé une équipe. Tourné sur l'Île des Soeurs, SHIVERS raconte les ravages d'un parasite qui, une fois absorbé par les humains, les rend victimes d'une rage sexuelle et meurtrière. Plutôt que de se concentrer sur un seul personnage, le cinéaste choisit de présenter une mosaïque de victimes, dont nous suivrons le destin...

Plusieurs aspects et signatures de Cronenberg sont d'ores et déjà visibles : 

- La musique feutrée (cette fois, ce n'est pas Howard Shore. Ivan Reitman est crédité comme responsable de la bande son, mais il s'agit vraisemblablement de library music, cette musique au mètre pré-enregistrée et disponible pour pas trop cher afin de procurer à différents films un environnement sonore : pratique courante dans les années 70)

- La présence, déjà, de la figure emblématique de l'univers cronenbergien : Robert Silverman, vu dans tous les films de Cronenberg ou à peu près. Ici, même pas crédité au générique, il surgit dans un rôle furtif d'homosexuel inquiétant

- Les thèmes, bien sûr : l'érotisme, la mort, la maladie, la fascination pour les monstres de la science...

Pour les spectateurs québécois, le fait que le film soit tourné dans les environs de Montréal ajoute une autre touche de bizarrerie, avec ces décors d'appartements 70s dont on se souvient un peu si l'on a eu la chance de visiter ces immenses tours d'habitations populaires au cours de la décennie en question.

Les effets spéciaux, pour crus qu'ils sont, demeurent efficaces et l'interprétation, souvent le fait d'acteurs peu expérimentés, voire pas du tout, demeure acceptable. On soulignera la présence de Barbara Steele, toujours efficace pour vendre un film d'épouvante, même au courant des années 70. On parlerait difficilement d'un grand retour pour la diva, dans la mesure où elle joue un rôle secondaire, mais je suppose que la promesse de voir la " sorcière " du cinéma italien interpréter une lesbienne alcoolique possédée par le stupre a dû émoustiller plus d'un spectateur, à l'époque.

Si la Steele demeure avare de ses charmes, la blonde Lynn Lowry se montre moins chiche, mais il faut dire qu'elle a de l'expérience, notamment à cause de sa participation à l'excellent SCORE de Radley Metzger où, déjà, sanglée dans un accoutrement sado-masochiste, elle se vautrait à plaisir dans un rôle d'oie blanche découvrant les joies de la luxure.

SHIVERS n'est pas un modèle de perfection. Les conditions de tournage n'ont pas aidé Cronenberg, encore débutant. Les quelques tentatives d'humour y volent assez bas et quelques moments qui se veulent effrayants deviennent presque drôles : il est quasi-amusant de voir, entre autres, un bonhomme surgir par une porte d'ascenseur et se gaver d'une substance rougeâtre (ou est-ce l'un des parasites ?) en faisant le pitre pour effrayer une mère et sa fille. Heureusement, Cronenberg se rattrape en rendant cette scène (et ses conséquences) assez malsaine.

SHIVERS demeure un film intéressant qui se veut provocateur, cherche à choquer certes, mais n'est pas dépourvu de propos. L'aspect intellectuel de Cronenberg y est sans doute pour quelque chose.

Notons que la réédition vidéo québécoise contient une bande-annonce et une entrevue assez intéressante où Cronenberg fait des révélations étonnantes. Howard Vernon

RAGE aka RABID - David Cronenberg, 1976, Canada 

Rabid est le deuxième long-métrage de David Cronenberg. Il souffre du syndrome de la " seconde uvre " : beaucoup d'artistes ont tendance, dans leur deuxième " vraie " création professionnelle, à répéter la première, ou, du moins, à en reproduire les grandes lignes narratives.

SHIVERS (FRISSONS, 1974) racontait l'histoire d'un immeuble peu à peu contaminé par un parasite né d'expériences scientifiques pratiquées sur une jeune femme. RABID raconte comment une jeune femme greffée développe un parasite qui contamine peu à peu les gens autour d'elle.

Cette similitude avec SHIVERS est le reproche majeur qu'on peut adresser à Cronenberg, mais il me semble que ce serait bouder son plaisir car, malgré ces ressemblances, RABID est intéressant et marque de réels progrès par rapport à SHIVERS.

Cronenberg maîtrisait mieux l'art cinématographique, ayant évolué à cause des problèmes de toutes sortes rencontrés sur le tournage de SHIVERS. Les acteurs qu'il emploie (dont plusieurs figurent dans SHIVERS) se sont aussi améliorés, et la mauvaise interprétation qui faisait parfois sourire dans SHIVERS est ici absente. Le scénario est aussi ambitieux : Cronenberg refuse le vase clos, ce qui nous vaut de belles séquences du Montréal nocturne, notamment dans le cinéma pornographique EVE. À ce titre, RABID est aussi le document d'époque d'un Montréal disparu, avec ses grandes tours d'habitation décorées de manière hippisante, avec une visite éclair dans le métro et des architectures rétro-futuristes propres à la décennie 1970.

La musique feutrée et en demi-teintes confère à l'ensemble une atmosphère de cocon parfois étouffant. Elle est choisie par Ivan Reitman (comme dans le précédent Cronenberg), et il s'agit probablement de " musique au mètre " pré-enregistrée, disponible à titre d'illustration sonore pour des documents variés. Au passage, on reconnaît des thèmes utilisés dans SHIVERS, mais aussi dans ILSA TIGRESSE DE SIBÉRIE. Normal : SHIVERS et ILSA sont des productions Cinépix, et Jean Lafleur, réalisateur du Ilsa en question, officie ici à titre de réalisateur de la seconde équipe et de monteur. La photographie de René Verzier est comme toujours impeccable et très nette.

Entouré d'une telle équipe, Cronenberg peut mieux déployer son talent naturel, au service de ses obsessions pour les catastrophes de la science et le rapport de l'être humain à son propre corps. Il nous gratifie aussi de séquences-choc plus nombreuses et plus efficaces que dans SHIVERS.

L'interprétation est dominée par l'actrice Marylin Chambers qui démontre ici qu'elle était beaucoup plus qu'une simple comédienne de films pornographiques. Au service d'un scénario riche en émotions diverses, elle peut déployer un savoir-faire notable. On reconnaît bien sûr l'incontournable Robert Silverman, l'acteur-fétiche de Cronenberg dans un rôle moins bref que SHIVERS. Son ascension dans l'univers cronenbergien ira croissant. J'ai même cru reconnaître Cronenberg dans une apparition très furtive en ambulancier et, plus tard, comme spectateur du cinéma Eve.

RABID est donc plus un suspense qu'un film d'exploitation, contrairement à SHIVERS dont le sujet, il est vrai, se prêtait bien à ce type de films : une épidémie de rage sexuelle dans un immeuble. Ici, la violence domine, mais Cronenberg ne recourt pas toujours à de gros effets, et certains passages sont suggérés, voire sagement évoqués par une ellipse narrative.

En revoyant ce film, on en vient à regretter que le cinéma " bis " québécois ne se soit jamais véritablement développé, alors que les décors montréalais (et de la campagne québécoise) auraient pu abriter de nombreuses uvres du genre. Celles-ci, à l'instar du DIABLE EST PARMI NOUS, de LA LUNULE, ou de GINA, ont au moins le mérite d'exister.

La réédition VHS du film nous propose une bande-annonce et une entrevue avec Cronenberg qui aborde différentes facettes du tournage de RABID, et la réception critique (mauvaise) de SHIVERS. Cette entrevue est moins intéressante que celle de SHIVERS, mais mérite au moins d'être vue une fois. Howard Vernon

The BROOD aka CHROMOSOME 3 aka La Clinique de la Terreur - De David Cronenberg avec Art Hindle, Samantha Eggar, Oliver Reed, 1979, Canada

Une heure après le commencement du film et le spectateur n'a toujours pas le moindre soupçon de ce qui peut se passer.  Ainsi travaille Cronenberg; quand ce n'est pas un punch de dernière minute qui vient clore le film et lui donner tout son sens, c'est une fin tragique à laquelle nous avons droit et qui ne laisse aucune place à l'imagination.  Ici, on nous sert une histoire étrange, avec laquelle les familiers du cinéaste canadien n'auront aucun mal à se familiariser : un psychothérapeute extrémiste (feu Oliver Reed) traite ses patients avec une méthode sur laquelle le scénario ne s'attarde malheureusement pas, les "psychoprotoplasmes".  Il s'agit sans doute d'un quelconque parasite, car tous ses patients ont l'air contaminés physiquement.  Ainsi que Nola, une femme fort déséquilibrée autour de quigravite le film.  Une heure et demie de mystère qui ne démord pas nous permet d'être témoins de quelques meurtres sauvages commis par des enfants-monstres patibulaires, qui ont hanté ma jeunesse.  Pas du grand art mais un effort honnête et digne d'être apprécié à sa juste valeur. Orloff

Petite question, à laquelle personne n'a de réponse je pense, mais je la pose quand même : qui c'est le génie qui à traduit THE BROOD en CHROMOSOME 3? Car en plus de n'avoir aucun rapport avec le titre original, ce titre français débile donne à ce petit chef d'oeuvre du cinéma d'horreur un côté série B qui repousse la plupart des gens... Heureusement j'ai eu la chance d'avoir été élevé avec du Carpenter et du Cronenberg et j'ai pu découvrir ce cru du monsieur très jeune... J'ai bien évidemment moyennement apprécié et j'ai racheté le DVD il y a un an, sans le regarder une seule fois. Seulement, il y a deux semaines, j'ai décidé de le déterrer de dessous ma collection et je me suis pris une baffe monumentale en pleine gueule qui me pousse à ranger ce CHROMOSOME 3 parmi les meilleurs films de David Cronenberg, réalisateur que j'adore pour le côté charnel de ses oeuvres mais surtout pour les thématiques qu'il aborde, que l'on retrouve toutes ici : conflit d'identité, dislocation de la famille (thématique beaucoup plus appuyée ici que dans ses autres films, notamment parce qu'a l'époque Cronenberg est en instance de divorce.)... Avec CHROMOSOME 3, Cronenberg signe un film thématiquement complet en plus d'être majestueusement mis en scène et écrit... Et si le film n'a pas très bien vieilli, force est de constater qu'il parvient toujours à accrocher le spectateur à son siège de par sa tension et son suspense, ainsi que son ambiance étrange merveilleusement illustrée par Howard Shore qui signe une de ses meilleures compositions selon moi... A cela se rajoute l'interprétation jamais transcendante des acteurs mais suffisamment bonne pour maintenir un standard de qualité pendant tout le film ainsi qu'une histoire prenante... Un chef d'oeuvre ? Carrément oui, d'autant plus que contrairement à un bon nombre de fois, Cronenberg ne ruine pas sa fin en tombant dans le grand guignol... Non, ici il reste tout en subtilité et ca fait plaisir! Zering

  FAST COMPANY - David Cronenberg avec William Smith, John Saxon et Nicholas Campbell, 1979, Canada, 91m

Un pilote vieillissant est victime des magouilles d'un propriétaire véreux et sans scrupule.

Le film de Cronenberg le plus conventionnel dans sa filmographie ainsi qu'à mon avis, le plus ennuyant. FAST COMPANY est un film de course qui atteint rapidement le summum du cliché en plus de présenter en même temps, des situations complètement irréalistes plus le récit avance, ce qui vient enlever encore plus de crédibilité à un film qui n'en a pas beaucoup à offrir. Impossible d'y croire à cette histoire ou de s'attacher à ces personnages artificiels et manichéens. Un petit plaisir viendra peut-être des scènes de Drag Race, très bien foutu et de quelques nichons ici et là. Quand même, FAST COMPANY est un film de série B honnête mais qui n'a vraiment pas grand chose à offrir pour résister au temps. Étrange de voir un tel film faire partie des réalisations de David Cronenberg. Heureusement, il n'a pas continué dans la même voie que ce film bien oubliable. Abba

SCANNERS -David Cronenberg, 1980, Canada/États Unis 

The human mind is the ultimate Weapon of Mass Destruction in Cronenberg's visionary thriller, now a generation old but more relevant than ever.

Cameron Vale (Stephen Lack) is an "empath", a dazed man confused by his out of control psychic abilities. Brought in and manipulated by the enigmatic Dr. Ruth (Patrick McGoohan), he becomes the weapon of choice against an equally powerful rouge "scanner" (Michael Ironside), a chemically created monster of evil who ignites internecine warfare with corporate, political and apocalyptic implications.

SCANNERS opens with a long tracking shot though a mall that manages to sum up the entire aesthetic and allegorical worldview of Romero's DAWN OF THE DEAD with a lot less fuss. Romero is HOT--Cronenberg is COLD, ice cold, the Son of Kubrick. Stephen Lack is often criticized for giving a nonperformance in this role, but he's rather perfect as the everyman who's everyone's pawn. He's every homeless-mental patient you've ever seen. Made at the very beginning of the Reagan Era it anticipates and uncannily depicts a world where corporate greed, private security agencies, social dislocation, political malaise and a culture of violence will marginalize common human decency. There are secret organizations, family secrets, a chemical company with a hidden agenda and they all keep colliding with explosive results. Cronenberg has said it is a movie about heads, and the most famous image is of the scanner's head exploding, providing a shocking climax for a corporate demonstration. There's a cool surrealism about the imagery--the meeting in the huge hollowed head of the rural sculptor or the drilled hole in Ironside's forehead. The color scheme is Canadian blue skies, golden sunsets which are an indifferent backdrop to the grey boardrooms which are inevitably stained with torrents of red.

Cronenberg is the aesthetic and philosophical opposite of, say, Lucio Fulci. It's a world whispered priorities enforced by Alpha males. Ironside, and especially Lawrence Dane, as a particularly ruthless corporate operative, are well cast and are somehow more memorable than the leads, Lack and Jennifer O'Neill, who leave a void temorarily filled by the brilliant Patrick Mc Goohan.

Car crashes (remember CRASH?), motorized camera journeys through 3 D circuitboards aside, SCANNERS is intellectual property which hasn't dated as all the bogus CGI driven Sci-Fi of the present surely will. Just look over your shoulder...

The MGD DVD is a must. The ending was somewhat reworked from the original theatrical version which I experienced in 1980. Robert Monell

VIDEODROME - David Cronenberg avec James Wood et Deborah Harry, 1983,  Canada, 87m

Max travaille pour une compagnie de diffusion sur le câble. Il cherche chaque jour, quelque chose de plus extrême, de plus excitant à passer. Un jour, son ami lui montre une diffusion d'une femme se faisant battre, électrocuter et torturer, juste ce qu'il fallait pour vouloir le mettre en onde. Mais en tentant d'en savoir plus, il tombe sous le contrôle de cette diffusion. Il apprendra qu'elle s'appelle Videodrome et qu'elle forme une tumeur en chacune des personnes qui la regardent et que cette tumeur peut facilement contrôler le corps de celui qui la possède. Max veut s'en sortir, qu'est ce qui est vrai, qu'est ce qui ne l'est pas?

Tout le monde aime Videodrome, c'est une expérience et c'est souvent le film qui détermine le genre de cinéphile que vous êtes. Allez vous travailler pour comprendre l'oeuvre, où vous devez absolument tout avoir clairement devant vos yeux pour en profiter? Après le film, la question aura sa réponse. Pour ma part, Videodrome est mon Cronenberg favoris, dégoûtant, complexe, philosophique, tout ça avec une histoire du tonnerre! Quand on l'écoute pour la première fois, et qu'on voit cet énorme vagin qui se forme sur le ventre de James Wood, on flip! C'est ce qui va arriver à de nombreuses occasions, Cronenberg n'épargne jamais son spectateur et tant mieux! On regarde ce film et merde on se dit ''Il a fait ça en 1983??!! WOW!'' et sincèrement de ma courte vie de 18 années, je n'ai encore jamais vu un film traité de façon similaire. Et la fin, OH LA FIN! Jouissive, complexe et qui laisse le spectateur dans une nuit de réflexion, quelle cruauté de Cronenberg d'offrir une fin aussi géniale! Quelle révélation dans ma vie que Videodrome, on peut le voir 100 fois et pourtant louper un petit élément j'en suis tout à fait certain. Abba

EXISTENZ - David Cronenberg avec Jennifer Jason Leigh, Jude Law, Ian Holm, Canada/Angleterre/France, 97m

Voilà un Cronenberg que j'attendais dans le détour. La bande-annonce qui passait lors de sa sortie en salle était loin d'être convaincante - pour moi - avec son techno débile et son montage un peu trop nerveux, et les comparaisons avec VIDEODROME ne me laissaient présager qu'une énorme déception. J'adore VIDEODROME, mais je déteste les comparaisons. J'ai donc inséré la cassette dans mon vidéo avec une certaine appréhension et je regrettais presque de m'être laissé tenter durant les dix premières minutes. L'ouverture est particulièrement ratée et désespérante mais par la suite les choses s'améliorent...  Et ça va jusqu'à drôlement me plaire. J'ai été complètement absorbé par l'intrigue sournoise et par les revirements chaotiques et je n'ai pas regretté l'expérience. De plus la composition de l'image, très étudiée, est un véritable velours pour l'oeil. Je le conseille à quiconque ayant perdu foi en Cronenberg afin qu’aillent lieu les plus émouvantes retrouvailles qui soient... Orloff

Allegra Geller a inventé le jeu ultime dans un futur immédiat. Grâce aux "pods" organiques et le jeu développé pendant cinq ans, on vit des aventures hyperréaliste dans un monde déjanté. Mais la tête d'Allegra est mise à prix et Ted (Jude Law), son supposé garde du corps, et elle doivent entrer le monde d' eXistenZ pour tenter de comprendre ce qui se cache derrière ces attaques terroristes de la ligue pro-réalité.

Sorti la même année que le film MATRIX au thème similaire, mais plus près des délires d'un certain Philip K Dick et des obsessions de Cronenberg, eXistenZ a aujourd'hui des airs de déjà vu. Continuant les explorations de VIDEODROME et de sa "chair nouvelle", rappelant l'obsession des orifices de NAKED LUNCH, on est en terrain battu. Si le film démarre sans véritable introduction et que Jude Law ressemble à un poisson hors de l'eau, la suite reprend du poil de la bête, le "pistolet organique" étant carrément fascinant. Bémol important pour cette fin qui ressemble à tant de films à la thématique identique. Sinon, le voyage vaut le détour, évidemment. Mario Giguère

SPIDER- David Cronenberg avec Ralph Phiennes, Gabriel Byrne et Miranda Richardson, 2002, Canada/Angleterre/France, 98m

Denis Clegg alias Spider est un schizophrène dans la trentaine qui à la chance d'habiter dans un '' asile '' à Londre, là où il a grandit. Rapidement par contre, Clegg se remémore des souvenirs qui graduellement se veulent plus inquiétants, violents et malsains jusqu'à ce qu'il en arrive à se remémorer parfaitement la raison de son état.

Un esti de bon film, c'est rare que je sacre mais ici je peux pas m'en empêcher, un ESTI de bon film. Cronenberg a financé de sa poche ce petit bijou après que Patrick McGrath, auteur du roman, lui est donné le scénario en lui disant que Ralph Phiennes était d'accord pour faire le film. Le résultat est carrément fascinant, complexe certes, mais fascinant. Une histoire sombre et déprimante qui se veut de plus en plus intéressante et qui nous laisse sur une conclusion qui a de quoi faire user nos petites cellules grises pendant une soirée entière. Pour la photographie c'est sublime, on a l'impression de voir un tableau dans certains cas. De ce côté, je trouve que Cronenberg s'améliore de film en film. C'est un univers morne et sans couleur que celui de SPIDER qui dégage une beauté qui ne laissera pas le spectateur sans émotion. Les performances quant à elles sont d'une justesse déroutante, Ralph Phiennes ne porte pas le film sur ses épaules mais se veut très convaincant dans un rôle des plus exigeants. Gabriel Byrne, fidèle à lui-même, réussit à convaincre dans son rôle de père violent et esclave de la chose. Mais la palme d'or revient à Miranda Richardson, qui interprète deux rôles complètement opposés avec une justesse incroyable. Je vous laisse savourer le film pour en savoir plus. J'ai la triste impression que ce film fera parti des oubliés dans la filmographie de Cronenberg, dommage.

Mais c'est maintenant clair que A BEAUTIFUL MIND de Ron Howard, BEN C'EST ENCORE PLUS DE LA GROSSE MARDE! Abba

  EASTERN PROMISES - David Cronenberg avec Viggo Mortensen, Naomi Watts et Vincent Cassel, 2007, Angleterre/Canada, 100m

Nous sommes à Londres, une jeune adolescente russe enceinte arrive à l'hôpital et meurt au bout de son sang. Le bébé est sauvé et Anna, une infirmière immigrée de seconde génération, trouve son journal intime. Elle tente alors de retrouver la famille de l'adolescente pour leur laisser le bébé. Comme le journal n'est écrit qu'en Russe, elle demande à son oncle de traduire et ce dernier refuse catégoriquement. Elle trouve dans le journal, une carte d'affaires d'un restaurant russe. Elle rencontre le propriétaire, son fils et aussi un mystérieux chauffeur, Nikolai, qui la guide sans donner trop d'informations. Il se trouve que le propriétaire du restaurant est le parrain de la mafia russe de Londres et que lui et son fils ont violé l'adolescente. Anna se trouve donc dans un vilain pétrin et il semble que seul Nikolai puisse l'aider.

J'adore Cronenberg, non seulement car ses films sont toujours originaux, mais parce que Cronenberg évolue avec le temps, qu'il ouvre ses horizons et se permet de faire de nouvelles choses. Cronenberg reste comme toujours sombre et l'action de son film baigne encore une fois dans une société décadente et basée sur la violence. D'ailleurs, si le body count d'EASTERN PROMISES est plutôt bas, chaque scène violente est difficile à regarder, tant par son réalisme que la façon très inconfortable par laquelle chaque scène de cet acabit est introduite. D'ailleurs, comme si ce n'était pas assez clair, Cronenberg débute son film par une scène d'égorgement absolument horrible et graphique, synthétisant l'atmosphère totale de son film en une seule scène. Plus que jamais, Cronenberg fait une symphonie sur le sang, le meurtre et surtout de la chair, mais où le sang n'apparaît jamais gratuitement au détriment du flot narratif.

Ce n'est pas le premier film anglais concernant le sort difficile des immigrants en Angleterre. DIRTY PRETTY THINGS de Stephen Frears, très bien réalisé, a aussi eu un bon impact. Mais le film de Cronenberg est sans conteste supérieur, de par son éloignement de tous clichés, de l'éclatement de sa trame narrative et du réalisme pessimiste de la plupart des situations de base du récit. Car on est pas dans Le PARRAIN de Coppola ici, mais dans un univers bien loin de l'honneur gangster hollywoodien. Les hommes sont remplis de tatouages, on baise dans des bordels bas de gamme avec des adolescentes et on se trahit à qui mieux mieux, dans la plus totale hypocrisie.

La scène la plus populaire du film, et avec raison, est le combat entre Nikolai et deux hommes de main dans un sauna. Cronenberg est probablement un des réalisateurs nord-américains les plus couillus de l'histoire cinématographique. Il n'a jamais eu peur de montrer des enfants se tuer entre eux, il a filmé un vagin se formant sur le corps d'un homme et a filmé des gens sexuellement déviants excités par l'impact des voitures entre elles. Ici par contre, il va encore loin, car il filme la scène de combat non seulement parmi les plus réalistes jamais faite, mais il la baigne dans une violence dont on est capable d'évaluer la valeur réelle. Mortensen reçoit des coups de couteau un peu partout, baisse d'intensité au fil du combat, trouve le moyen de s'en sortir et le fait, de la première à la dernière seconde du combat, complètement nu. Ce choix de Cronenberg fait de son film, quelque chose de dérangeant, mais de surtout profondément humain et à la fin du film, de magnifique.

La réussite d'EASTERN PROMISES passait presque obligatoirement par la qualité des acteurs en présence, car ici, tous les personnages cachent un élément bien subtil que les dialogues ne peuvent retranscrire. Viggo Mortensen est simplement fabuleux dans le rôle du chauffeur, où son énorme présence physique entre en contact avec sa sensibilité morale. Perdu entre les lois d'honneur de la famille du crime et le crime sans respect commis par ses pairs, il flotte d'une position à l'autre jusqu'à la révélation twist (un peu nul en fait) qui vient tout égaliser. Naomi Watts, qui prouve de film en film à quel point elle est une actrice sous-évaluée, offre un parfait mariage d'innocence et de témérité dans un rôle qui n'est pas simple. Finalement, Vincent Cassel, vient jouer ce qu'il a toujours mieux joué, une bête et le fait bien.

Globalement phénoménal, EASTERN PROMISES vient confirmer une fois de plus la place importante de Cronenberg dans le patrimoine cinématographique, mais aussi qu'un réalisateur peut dans des contextes forts différents, parler de la même chose à des degrés différents. Servi par une distribution phénoménale et un scénario béton, c'est le film de gangsters que plusieurs cinéphiles plus cérébraux ont toujours attendu. Abba

a HISTORY OF VIOLENCE aka Une Histoire de Violence - David Cronenberg avec Viggo Mortensen, Maria Bello, Ed Harris, William Hurt, Ashton Holmes, Peter MacNeill, Stephen McHattie, Greg Bryk, Heidi Hayes, 2005, 96m

Tom Stall vit dans une petite ville de l'état de l'Indiana, Middlebrook, où il est propriétaire d'un petit resto. Il vit le parfait bonheur avec son épouse Edie et ses deux enfants, Jack et Sarah. Cette tranquillité paisible cesse le jour où deux malfrats font irruption dans le resto de Tom pour voler la caisse. Pour sauver sa vie et celle de ses employés, Tom se défend vaillamment en désarmant et en abattant les deux bandits. Bien vite, la population de Middlebrook, les médias du pays et même sa propre famille le considèrent comme un héros, ce qui le gêne beaucoup. Même son fils adolescent Jack, encouragé par l'action héroïque de son père, en vient à donner une bonne correction au dur à cuire de son école qui l'intimidait. Quelques jours plus tard, Tom reçoit la visite dans son restaurant d'un dénommé Carl Fogarty, un truand de Philadelphie, qui affirme avec assurance qu'il a reconnu en la personne du héros restaurateur un collègue gangster disparu, Joey Cusack. Tom essaie de convaincre Fogarty que celui-ci se trompe et qu'il n'est pas du tout Joey Cusack. Mais le truand est convaincu de ne pas se tromper sur l'identité de Tom et il se montre envers lui plus insistant et menaçant, surtout qu'il a une vieille dette du passé à régler avec Joey. Devant l'insistance des menaces de Fogarty, Edie en vient à se demander si son mari Tom est réellement celui qu'il prétend être.

Sous les apparences d'une construction conventionnelle, le réalisateur David Cronenberg a conçu un film personnel basé sur l'exploration du vieux thème toujours riche de la violence dans le quotidien des gens en s'inspirant d'un roman graphique de l'auteur de la BD "Judge Dredd". Le cadre du récit (qui rappelle évidemment le western et le film noir, voire même quelques films avec Charles Bronson) se situe dans une petite ville où il ne se passe rien et où évolue le parfait modèle de la famille heureuse américaine jusqu'à ce que la violence éclate à l'écran et nous rappelle brutalement le vieil adage latin: "Si vis pacem, para bellum", comme quoi la paix et le bonheur ont toujours été indissociable de la guerre ou de la violence et qu'ils n'existent pas l'un sans l'autre. Le sujet aurait pu facilement tomber dans le piège de la facilité mais Cronenberg a su l'éviter en gommant dans sa mise en scène tout effet artificiel, en évacuant le mélodrame larmoyant dans les relations entre les personnages et en éliminant le spectaculaire dans les scènes de brutalité (et même dans les scènes sexuelles!). Ainsi, ces scènes sont traités avec un réalisme au premier degré façon coup-de-poing (avec beaucoup de sang qui gicle ainsi qu'une intensité furieuse peu banale lors des scènes d'amour!) par opposition aux séquences plus benoîtes pour mieux secouer le spectateur sur son siège et lui faire rendre compte que tout être humain depuis son existence possède une violence innée. L'exposé est connu mais possède quand même une force d'impact très solide et indéniable de par son rythme naturel et le rafraîchissement des codes propres au genre, (avec même une touche d'humour noir ironique qui alimente le propos) malgré quelques sous-thèmes potentiels analysés plus faiblement. La conclusion évite adroitement le happy-end traditionnel en laissant le principal protagoniste et sa famille vivre dans le doute perpétuel dû à l'expérience douloureuse qu'ils ont vécu, à cent lieux du bonheur qu'ils avaient au tout début du film. Viggo Mortensen s'affirme comme l'un des meilleurs acteurs du moment au sein d'une distribution regroupant des comédiens de qualité. Un film dérangeant pour les bonnes consciences qui laissera cependant une marque indélébile dans la tête et le coeur de plusieurs. Mathieu Lemée

Google
 
Web www.clubdesmonstres.com

CANADA ET QUÉBEC

100 FILMS | INTRODUCTION | ART | ARCHIVES | BESTIAIRENOS CHOIX | COURRIER | DICTIONNAIRE VISUEL | EDWIGE FENECH | FIGURINES | FORUM | GAZETTE | LECTURES | LIENS | LUTTE | MP3 - WAV | REPORTAGES | RESSOURCES | PHOTOS | VISIONNEMENTS | VENTE