Le Cinéma Fantastique à Nice

un article de Mickael Abbate

Il était une fois... le cinéma fantastique sur la Côte d’Azur. A une époque qu’on peut désormais dire lointaine, de nombreuses salles de cinéma pullulaient ici et là sous le soleil azuréen... Leurs noms emblématiques (Le Studio 34, Le Balzac, L’Escurial...) ont joué un rôle déterminant dans la découverte d’une cinéphilie destinée aux amateurs de frissons, de suspense et d’épouvante. Eric Escofier, conférencier sur le cinéma fantastique, collectionneur fou et passionné, joue un rôle de défricheur clé depuis maintenant 40 ans. En 1978, pendant que le Festival du Film Fantastique et de la Science-Fiction de Paris rencontrait un vif succès, qu’Avoriaz récompensait Le Cercle Infernal de Richard Loncraine, le plus fidèle des fans de la Hammer, Eric Escofier, lança le premier Festival du Film Fantastique de Nice. Eh oui, Nice avait aussi droit à son festival... Hommage et entretien avec l’homme qu’on surnomme désormais « Le Baron » sur toute la Côte d’Azur :

Le Cinéma Fantastique à Nice
Par Eric Escofier

Autant que je me souvienne, j’ai organisé la première nuitée du film d’horreur au cinéma LE STUDIO 34 (situé Rue Longchamp) en 1975. Avec la directrice, on avait mis en place une projection de cinq films qui débutaient à partir de 23 heures. L’ouverture de cette nuitée qui avait été programmée un vendredi soir présentait le film : DRACULA ET LES FEMMES suivi du RETOUR DE FRANKENSTEIN, DES MAITRESSES DE DRACULA, THÉÂTRE DE SANG et cerise sur le gâteau, j’avais prévu de projeter avant le traditionnel service des cafés-croissants, le chef d’œuvre de German Robles : LES PROIES DU VAMPIRE. Mais par manque de chance, le distributeur fit une erreur dans l’envoi et nous eûmes droit au médiocre RÉPULSION de Roman Polanski qui fit l’effet d’un somnifère sur cette auguste assemblée de spectateurs. Pour faire passer cette indigeste copie, j’allais déguster à la Zone Piétonne un plastra de tripes à la mode Caen arrosé d’un excellent vin blanc.

Cette même année, je pris contact avec Monsieur Blanc, le directeur du cinéma MONTE CARLO (situé Avenue Jean Médecin (devenu un Quick depuis)) afin de préparer les premières Minuits Fantastiques (ancêtres de Cinenasty) programmées le samedi soir après la dernière séance hebdomadaire. Je me souviens avoir diffusé : LE BAISER DU VAMPIRE, LE BOSSU DE LONDRES, LE SANG DU VAMPIRE, LES HORREURS DE FRANKENSTEIN, LES GRIFFES DE LA PEUR, LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE, ROBOT 2000, LE SECRET DE LA PLANÈTE DES SINGES... Mais malheureusement, ces nuitées furent arrêtées à cause de certaines personnes, qui durant les projections s’amusaient à démonter les fauteuils vides...

Parallèlement cette année là, je m’occupais de diffuser durant une quinzaine de jours quatre films fantastiques au Cinéma LE FRANÇAIS (rebaptisé plus tard L’AIGLON, devenu aujourd’hui un magasin de fringues).

De 1976 à 1977, je relançais la mode des séances à Minuit, au cinéma LE RITZ (situé zone piétonne, actuellement un magasin de chaussures). Le gérant n’était autre que Monsieur Ixart. Ensemble, nous programmions une série de films : LE PEUPLE DES ABIMES, DANS LES GRIFFES DE LA MOMIE, LA MALÉDICTION, LA MAISON QUI TUE, LA FEMME REPTILE, L’HOMME AU MASQUE DE CIRE, LA RÉVOLTÉ DES MORTS VIVANTS, DRACULA PRINCE DES TÉNÈBRES... Mais il semblait qu’une malédiction s’acharnait sur ces fameuses nuitées, et durant la projection du MASQUE DE CIRE, une altercation s’envenimait entre Monsieur Ixart et trois vauriens venus perturber le calme de la séance. Vous devinez la suite... arrêt de la projection, menaces verbales des trois protagonistes envers le proprio avant expulsion. Je dus rester en sa compagnie, durant la fermeture du cinéma, en cas de représailles... Donc annulation pure et simple malgré le plein de spectateurs à chaque séance...

Tel le Baron Frankenstein, ne reculant devant rien, j’eus l’idée de lancer un Festival du film fantastique de Nice qui prit naissance en 1978, à la M.J.C. Pasteur. Ne possédant aucune salle de projection, les films présentés furent projetés avec un appareil 16mm. Ce premier festival amena pas mal de personnes intéressées par le genre. J’eus la riche idée de programmer avec chaque film présenté des films super 8 venant de ma collection personnelle. De plus, j’ajoutais une petite exposition d’affiches. Un festival qui fonctionna bien, mais qui par la démission de son directeur Monsieur Bizutto n’eut pas de suite dans cette M.J.C.

En 1978, je proposai une seconde édition du Festival du film fantastique de Nice à la M.J.C. Gorbella, un endroit que je connaissais bien, car depuis un an, c’était le lieu culte de mon association. Créée en 1977, elle se nommait « l’association du cinéma fantastique et de la science-fiction de Nice », elle regroupait quelques goules et mutants hebdomadairement le vendredi soir.

Pour ce festival, je décidai d’orienter la programmation sur la Hammer Films en diffusant : LES MALÉFICES DE LA MOMIE, LE RETOUR DE FRANKENSTEIN, DRACULA VIT TOUJOURS A LONDRES, LES 7 VAMPIRES D’OR... nous animions aussi un stand de fanzines et de revues.

Un an après, (il était difficile à Nice de trouver un lieu où toutes les années se déroulerait un même festival), j’allais au cinéma L’ESCURIAL  (Avenue Georges Clémenceau, transformé pour notre plus grand malheur aujourd’hui en supermarché...). C’était Monsieur Aiuso Fils qui en était le directeur et qui en avait confié la responsabilité à un homme que j’avais jadis connu, mon ami André Messager. Ce festival était placé sous l’égide de Roger Corman. Nous avions diffusé les films suivants : L’EMPIRE DE LA TERREUR, LA MALEDICTION D’ARKHAM, L’HORRIBLE CAS DU DOCTEUR X, LA CHUTE DE LA MAISON USHER, L’ENTERRE VIVANT. Des films loués à Cinécran de Marseille. J’ai une anecdote à prendre aujourd’hui avec beaucoup d’humour. J’étais à cette époque opérateur, et je travaillais en collaboration avec un autre opérateur répondant au nom de Monsieur Crénon. Celui-ci alcoolique invétéré, largué par son épouse, se faisait des fourres de pleurs, si bien qu’imbibé de bière, il oubliait de changer les charbons des projecteurs, (charbons destinés à prodiguer le faisceau lumineux), laissant la salle dans le noir complet... De plus, comme le propriétaire des lieux ne réglait pas ses factures de chauffage, j’ai vu des spectateurs grelotter et crier durant les projections : chauffage ! chauffage ! J’en ai en même vu arriver avec des couvertures... un festival à la limite du burlesque.

C’est avec beaucoup plus de calme, que je m’occupais avec Monsieur Ixart père, du quatrième festival organisé par mon association en partenariat avec Radio Monte Carlo au cinéma ÉDOUARD XII. Une vingtaine de films y ont été diffusés : LE CIMETIÈRE DES MORTS VIVANTS, LE LAC DE DRACULA, LA NUIT DES MORTS VIVANTS, ÉTRANGE LUEUR SUR UN CHEMIN DE COMPOSTELLE, LE BLOG, LE 7EME VOYAGE DE SINBAD, LA MALÉDICTION D’ARKHAM, LE MONSTRE EST VIVANT...

En 1980, j’organisai le cinquième Festival du film fantastique de Nice avec Monsieur Bemon, au cinéma RIO (l’ancien cinéma LE PAX, avenue de la république). Là, je programmai trois films sur une semaine qui malheureusement n’attiraient pas un public féru : L’HOMME AU MASQUE DE CIRE, DRACULA ET LES FEMMES, LE MANNEQUIN DÉFIGURÉ. On sentait la fin de toute une époque...

En même temps, j’avais repris les fameuses séances à minuit, non pas à Nice, mais au cinéma MONDIAL à Antibes. Là, en faisant fonction d’opérateur, je diffusais : LA REVANCHE DE FRANKENSTEIN, LA BAIE SANGLANTE, MEURTRES PAR DÉCRET, LES MAITRESSES DE DRACULA et surtout pour la première fois sur la Côte d’Azur, je proposai l’avant-première de FRANKENSTEIN ET LE MONSTRE DE L’ENFER. Le film fut présenté au Festival du Film Fantastique et de la Science-Fiction de Paris en 1973. On était un peu en retard, mais qu’importe le film était là... Piètre désillusion, beaucoup de rires de la part d’un jeune public qui s’esclaffait durant les opérations pratiquées par Peter Cushing... La fin d’un règne.

Après avoir fait un colloque sur le mythe de Frankenstein à l’Espace Magnan, je mis le frein sur l’organisation de festivals.

En 1984, avec la complicité de mon ami Michel Fenioux, j’organise le sixième Festival du film fantastique de Nice au ciné club du Papier Maché (Rue Benoit Bunico dans le vieux Nice). Son directeur était le spectral Alain Dumont qui à chaque projection s’exclamait : « C’était chouette ! ». Là, nous avons joué 7 films sur une période de 5 mois. Chaque film avait un thème, et était accompagné d’un débat avec projection de films en super 8.

En 1985, la M.J.C Magnan me rappelle pour une septième édition du Festival du film fantastique de Nice qu’elle organise sous l’égide de la ville de Nice, de l’association du cinéma fantastique et de la science-fiction de Nice, du CRDP, du centre d’étude de la métamorphose. J’expose des affiches et je donne deux conférences cinématographiques, ponctuées par des extraits de films super 8 : la première s’intitulait « 20 ans de Cinéma Fantastique à travers l’Universal », la seconde « La Science-Fiction à travers les années 50?.

Cette même année, je retourne chez mon ami Alain Dumont pour créer le 1er Festival du film fantastique de Nice en super 8 et 8mm au ciné club du Papier Maché le 19 janvier 1985. Nouvelle innovation qui sera reprise deux ans plus tard par Jean-Pierre Putters à Paris. Notre sympathique Michel de Radio Freeby avait fait la promotion de cette première. Il n’hésita pas à enregistrer les bruits bizarres qui hantaient la salle, à interviewer les spectateurs. Au total nous avions passé 10 films en compétition. Durant cette soirée apocalyptique où goules, mutants et autres zombies étaient venus acclamer les courts métrages, je fis la connaissance d’Antoine Pellissier, futur Docteur Gore, venu présenter son premier film FOLIES MEURTRIÈRES qui reçut le deuxième prix titré LA COUPE DE SANG. Gérard Seigeneur, auteur de PROVOCATIONS, remporta le grand prix de l’édition : Le VAMPIRE D’OR. Quand à votre serviteur, je reçus le trophée UNIVERSAL avec mon court métrage : DÉTRUISEZ FRANKENSTEIN.. Une grande soirée.

Cette manifestation qui fit du bruit à Nice, fut reconduite l’année suivante en 1986 non pas au Papier Mâché, puisqu’il ferma ses portes, mais à la M.J.C. Magnan sur une période de 2 jours avec un format en plus, le 16mm.

Ainsi s’achève avec ce 2ème Festival du film amateur fantastique 8, super 8 et 16mm de Nice mon parcours en tant qu’organisateur de festival. Trop absorbé par l’écriture de mes fanzines, la fermeture de beaucoup de cinémas... me firent à mon grand regret abandonner toute recherche. Pourtant, avec un sursaut, alors que je venais de voir un film au K7 (anciennement le CONCORDE, au tout début L’EXCELSIOR), je tentais de remettre au goût du jour, des séances à minuit. Le bilan fut scandaleux et à la limite du lynchage pour votre serviteur. Dix personnes au total dont 5 invités. Je ne vous dis pas l’addition : le prix de la location du film, le coût de l’éclairage, la prime pour le projectionniste... je ne vous cache pas la haine du taulier qui avec une certaine délicatesse, me cracha en plein visage d’aller louer mes services cinématographiques ailleurs ... tout était bien fini.

J’ai donc arrêté pour me consacrer à mes expositions. Lors d’une à ST André de la Roche en 2003, je présentai deux films dans la salle de la Mairie : LE RETOUR DE FRANKENSTEIN et DRACULA ET SES FEMMES.

Je remercie mon ami Philippe Serve (Cinémas sans Frontières) pour avoir organisé en 2009, une soirée Horreur/Épouvante au cinéma Mercury en ma compagnie avec la projection du CAUCHEMAR DE DRACULA et de DR JEKYLL ET SISTER HYDE. Merci aussi à mon grand et illustre ami, Mickael Abbate (Les Méduses), Directeur du Festival La Samain du cinéma fantastique avec qui j’organise des séances rétros. Merci à tous les locaux culturels de m’avoir prêté leurs murs pour mes expos, surtout le cinéma Mercury. Enfin pour finir, j’ai vécu une époque fantastique.

J’ai organisé, lutté, tel un Don Quichotte contre les moulins à vent. J’ai été critiqué, mais j’ai laissé une empreinte. J’ai rencontré des gens merveilleux, je ne citerai que les frères Denis et Laurent Chollet, Michel Fenioux, Gérard Bordairon, Thierry Olive, Christophe Gans, Henry Travolti. Tous ces gars là étaient de solides défenseurs du cinéma bis sur la Côte d’Azur. Aujourd’hui Mickael Abbate et son équipe ont repris le flambeau et je suis fier d’être à leur côté. J’espère de tout cœur que La Samain du cinéma fantastique sera LE festival emblématique du film fantastique de Nice. Longue vie à cette association. Si le Baron Frankenstein eut des descendants, et bien moi, je peux dire que l’illustre Mickael Abbate est ma continuité.

Eric Escofier

Toujours disponible l’ouvrage « Peter Cushing » d’Eric Escofier, en vente à la FNAC et sur le site Sin’Art.

(c) Les Méduses

Propos recueillis le 20 février 2013. Tous droits réservés.

Article original sur www.samainfilmfestival.com/le-cinema-fantastique-a-nice

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